Coach ou manager, entre les deux mon coeur balance ?
Avec le développement du coaching en entreprise et celui des « bonnes pratiques » organisationnelles, il est tentant pour un manager de se prévaloir des deux casquettes. Ainsi il pourra, pense-t-il, mieux accompagner la montée en puissance d’un collaborateur ou encore contribuer aux exigences et aux choix, souvent difficiles, d’un plan de carrière.
Concrètement l’exercice est délicat. Comment en effet concilier la pratique de l’autorité, la nécessité de passer des consignes, d’imposer des décisions, avec la posture du coach qui consiste à aider son client à trouver ses propres solutions.
Comment maintenir une position hiérarchique avec ses corollaires, le contrôle des tâches, la tenue des objectifs économiques de l’entreprise, la nécessité de trancher en cas de litige, tout en se mettant à l’écoute – de façon bienveillante, active, dépourvue de tout jugement de valeur – de ce qui, précisément, empêche parfois un collaborateur de performer.
Qu’est-ce qu’un coach ? Un accompagnateur qui va mettre au service de son client ses différentes expériences de l’entreprise et son expertise dans le champ des sciences humaines. Ni Gourou, ni consultant, c’est le Candide de Voltaire qui ne connaît pas forcément le terrain expérimental dans lequel son client évolue.
Sa « naïveté » va lui conférer la possibilité d’entendre dans le discours qui lui est opposé, aussi technique soit-il, des failles, des lapsus, des blancs, d’étranges répétitions permettant d’interroger, sous l’énoncé apparent, ce qui relève du non dit, de l’implicite et, fréquemment, du non su.
Confidentialité Sécurité Loyauté
C’est généralement un hiérarchique qui suggère la mise en place d’un coaching pour tel ou tel professionnel. Il en attend des résultats concrets et mesurables, des remontées régulières qui lui permettront d’évaluer l’efficacité du process. Attente qui concerne autant les coachs que les responsables en situation de coacher.
Mais comment soutenir sincèrement la règle de confidentialité absolue qui constitue le socle d’un coaching éthique ? Doit-il se soumettre aux exigences de son boss ou respecter la sécurité de son collaborateur ?
Comment accompagner dans un processus de développement fondé sur la maïeutique – faire accoucher l’autre de sa propre vérité - un individu dont il faut également fixer les objectifs, noter en fin d’année et décider de ses primes ?
Autant de questions qui risquent de précipiter le manager dans un pénible conflit de loyauté.
Le coach interne à l’épreuve du transfert et des projections
Imaginons cependant un coach salarié d’une entreprise, placé hors hiérarchie, protégé comme l’est le médecin du travail. Donc notre homme (au sens générique du terme) s’en va coacher celle-ci et celui-là et cet autre. Parfois les salariés se sont à peine aperçus. Ils ne travaillent pas au même étage, dans la même unité. A d’autres moments, ils se connaissent. La plupart partagent des espaces identiques de convivialité, machine à café, restaurants en interne ou à l’extérieur.
Ils se parlent. Ils éprouvent le besoin d’évoquer leur coaching. Le dispositif leur semble efficace ou non, le coach est extraordinaire ou nul. Bref, même si, comme le dit si bien, la PNL, « La carte n’est pas le territoire », la machine à projeter fonctionne à plein régime.
Sans compter tous ces non coachés qui tendent une oreille attentive…
« Je l’aime, moi non plus », « Il m’a donné un conseil, moi il est pratiquement mutique », « Il me fait penser à mon père », en vertu de critères singuliers liés à des expériences infantiles, à toute une histoire de vie, ça « transfère » à fond et voilà ce qui donne le ton de la petite musique du coaching pratiqué en interne.
Une musique dont les fausses notes risquent de troubler les oreilles des mélomanes.
Luce Janin Devillars